Comment vaincre la peur sur scène ?

De nombreux artistes se retrouvent paralysés par la peur au moment de monter sur scène…

J’aimerais partager avec vous des solutions concrètes pour vaincre la peur sur scène ou lors de votre prochaine prise de parole en public.

Notez bien que, quand je parlerai d’Acteur, cela inclura aussi bien les acteurs que les actrices.

Mais d’abord, qu’est-ce que la peur ?

Selon le dictionnaire Larousse, « il s’agit d’un sentiment d’angoisse éprouvé en présence ou à la pensée d’un danger, réel ou supposé ». Spinoza, l’un des philosophes les plus importants de l’histoire, nous en donne une définition plus poétique, en caractérisant la peur comme « un désir d’éviter un mal plus grand, que nous craignons, par un moindre ». C’est beau, non ? Avec des mots plus simples, on pourrait ainsi dire que la peur est une sensation douloureuse qui apparait en nous-même face à une situation réelle ou imaginée dans laquelle on se sent en danger. On a donc défini la peur mais pour pouvoir la “vaincre”, il faut comprendre d’où elle vient.

D’où vient la peur ?

Selon le campus universitaire de Genève (oui, on va faire un peu de neuroscience et vous allez voir, c’est super intéressant), la peur se fraye plusieurs chemins dans le cerveau et ces chemins passent tous par l’amygdale. Pas de panique (c’est le cas de le dire) ! Même si vous n’aimiez pas la biologie à l’école, on va décortiquer tout ça. Pour commencer, voici une photo de l’amygdale dans le cerveau :

L’amygdale est cette sorte de petite chose dans la tête qui ressemble à une amande (d’où son nom). Avant de vous donner un exemple concret pour bien comprendre le fonctionnement de l’amygdale, sachez que « l’amygdale représente une sorte de nœud central dans le circuit neuronal de la peur. » (selon Patrik Vuilleumier, professeur au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine). L’amygdale fonctionne donc comme une alarme dans une maison qui pourrait se déclencher à tout moment en cas d’intrusion.

Voyons un exemple concret. Imaginez que vous marchez en forêt et que tout à coup, vous voyez un serpent. À ce moment-là, votre amygdale va immédiatement s’activer et envoyer un signal très rapide aux autres zones du cerveau, provoquant une réaction dans le corps, à l’origine de la peur. C’est ce qui va vous permettre de réagir rapidement et sauver votre vie face au danger (ici, le serpent).

Mais l’amygdale peut aussi s’activer quand vous êtes face à une situation vous rappelant un événement passé douloureux. Ce sont les scientifiques qui le disent. Selon leurs études, l’amygdale est aussi reliée aux zones du cerveau contenant les souvenirs. Cela signifie que l’amygdale s’active (et génère de la peur) aussi bien face à une situation présente, potentiellement dangereuse (le serpent), que face à une situation qui nous rappelle un événement passé douloureux.

Durant mon expérience de professeur de théâtre, j’ai pu voir naître chez les élèves différents types de peurs : la peur de mal faire, d’être rejeté, d’être sans valeur, d’être sans identité, d’être incapable, d’être trahi, de la souffrance, d’être contrôlé, d’être perdu… Ces peurs n’ont évidemment rien à voir avec le serpent dans la forêt, mais elles sont pourtant bien réelles. On peut dire, au vu de notre précédente étude, que ces peurs sont reliées au vécu de chaque élève. Et comme chacun d’entre eux cherche avant tout à grandir dans sa liberté d’expression, on comprend mieux pourquoi 80% des Acteurs suivent des thérapies (d’après une statistique qu’on entend souvent dans la bouche de nombreux Acteurs). Mais attendez ! Avant de prendre rendez-vous chez le psy, répondons à une autre question fondamentale qui va nous permettre de “vaincre” la peur.

Comment se manifeste la peur ?

C’est à travers l’observation, là encore, de mes élèves et de ma propre expérience de comédien sur scène et en tournage que j’ai pu identifier les différents symptômes de la peur : tremblements dans certaines parties du coups, hausse de la fréquence cardiaque, écarquillement des yeux, perturbation du rythme respiratoire, sensations désagréables au niveau du ventre, du dos, du thorax ou d’autres parties du corps. Toujours selon nos chers scientifiques, ces manifestations de la peur sont essentiellement dues à la sécrétion d’adrénaline (l’hormone naturelle qui est sécrétée par le cerveau quand on est face à une situation dite de stress).

Autrement dit, la peur est, de toute évidence, un processus naturel qui nous a permis jusqu’ici de survivre face aux serpents dans les forêts et les autres dangers plus ou moins mortels. C’est une bonne nouvelle, non ? Et là, je vous vois venir : “Oui, mais à cause de la peur, j’ai raté mon examen, un casting ou mon dernier date…”. Je suppose que vous souhaitez “vaincre” la peur pour décrocher ce diplôme, ce rôle dans le prochain Spielberg ou faire le premier pas vers le futur amour de votre vie ? Voici l’exemple d’une actrice qui applique la méthode que nous utilisons et qui permet à de nombreux Acteurs de “vaincre” leurs peurs.

Marion Cotillard nous révèle, dans une interview accordée à Léa Salamé sur France Inter, qu’elle a réussi à dépasser ses peurs profondes en les transformant en quelque chose de créatif : « Ces peurs m’ont été nécessaires, elles ont été des maitres qui m’ont révélé cette puissance que j’avais en moi. » Alors venons-en à la question fatidique…

Comment “vaincre” la peur ?

À l’Éveil de l’Acteur, nous enseignons une méthode qui permet de transformer la peur en force de jeu et de créativité. Ça sonne tout de suite moins scientifique que précédemment, mais que voulez-vous ? Au théâtre, nous utilisons des mots comme “respiration, corps, voix, imaginaire, émotions, sensations, créativité…” pour essayer d’avancer dans cet art qui est un lieu d’exploration de notre humanité. Le mot “transformation” est donc très présent dans notre travail car l’Acteur est avant tout celui qui se transforme, au même titre que Marion Cotillard dans le film “La Môme” d’Olivier Dahan. Elle transforme sa démarche, sa voix, sa respiration pour incarner Édith Piaf avec brio.

Mais alors, comment transformer la peur et en faire une alliée ? Rien de plus simple. Il vous suffit d’intégrer la formation annuelle de l’Éveil de l’Acteur ou l’un de nos prochains stages (rires).

Plus sérieusement, voici, 3 points essentiels que vous pouvez commencer par mettre en pratique :

1. La respiration

La respiration de l’acteur est semblable à celle du chanteur. Il s’agit d’une respiration dite “diaphragmatique”, car elle s’appuie principalement sur le diaphragme. Voici une vidéo d’illustration de la respiration diaphragmatique. C’est un peu comme la respiration du bébé qui dort. Et dans nos cours de théâtre, on pratique différents exercices de respiration qui permettent aux élèves d’intégrer progressivement cette respiration afin de leur permettre d’améliorer leur jeu et de grandir en liberté sur scène ou derrière la caméra. Mais pour l’heure, je vous propose un premier exercice que vous pouvez d’ors et déjà mettre en pratique dès que la peur survient. Inspirez par le nez en imaginant que vous envoyez l’air dans le ventre puis expirez lentement par la bouche. Reproduisez ce processus plusieurs fois en sentant l’air qui entre par le nez et ressort par la bouche.

2. L’acceptation

En pratiquant la respiration diaphragmatique, vous allez pouvoir prendre conscience des symptômes de peur dans le corps qu’on a évoqués plus haut. Et au lieu de les refouler, comme le font la plupart de nos élèves au début du travail, on apprend plutôt à les accueillir en nous-mêmes. Bien sûr, c’est difficile au début de les accepter parce que ces sensations sont désagréables et parfois très douloureuses. Personne n’aime avoir mal, c’est évident. Mais si nous voulons “vaincre” la peur ou plutôt la “transformer”, nous allons devoir apprendre à accepter la douleur. “Accepter”, c’est laisser être ce qui est là, sans jugement. En plongeant et en acceptant ces sensations désagréables dans le corps et dans l’esprit, au début, ça fera mal. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’à force d’y aller, ça ne fera plus mal et il nous sera ainsi possible d’accéder au troisième point qui nous intéresse :

3. Le “jouer avec”

J’invite toujours mes élèves à jouer avec ce qui les traverse dans le moment présent. S’ils ressentent, par exemple, des tremblements dans le corps alors je les invite à les laisser s’exprimer, les accepter sans jugement et les assumer. Ce qui est très difficile, c’est de laisser voir aux autres nos symptômes de peurs qui sont souvent associés, dans nos sociétés, à des signes de faiblesse. Mais dans ce travail artistique, on apprend à ne pas s’arrêter à ces jugements de valeur. Car l’Acteur n’est pas là pour juger l’humain, il est là pour l’incarner, l’éprouver et témoigner de sa complexité sur scène ou à l’écran. Ainsi, en éprouvant nos peurs et en “jouant avec”, c’est à dire, en les mettant au service du jeu, l’Acteur parvient finalement à ne plus en être l’esclave. Puis, au fil des années, et à force d’un travail rigoureux qui passe par l’apprentissage de certaines techniques, il parvient progressivement à en devenir le maître.

Pour finir, voici une vidéo où j’explique aux élèves comment transformer la peur sur scène :

Cédric Keller – comédien et professeur à l’Éveil de l’Acteur.

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